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L’infernale spirale de l’extrémisme

2 Nov

Neuf mois sont passés depuis le départ de Ben Ali, neuf mois d’une gestation mouvementée qui aura accouché d’un constat sans appel : une bonne partie des tunisiens a pour unique priorité le respect de sa religion.

Il est bien sûr évident que la religion prenne autant d’importance dans une société aussi conservatrice que la nôtre, mais que cela soit aussi généralisé a été une surprise pour ceux que l’on qualifie de modérés.

En effet, si on replonge en pleine période de turbulence qu’était celle de janvier, les revendications du peuple tournaient autour de la dignité, de l’éradication de la pauvreté et de la justice. En dehors des « Allah Akbar » lancés par les jeunes  révolutionnaires au moment d’affronter le symbole de l’oppression, la religion n’a pratiquement pas été mentionnée durant ces heurts. Elle était probablement la source de courage de la plupart d’entre eux, pour qui mourir en martyr était un honneur, mais ça s’arrêtait là.

Alors comment expliquer que 9 mois après, dignité, liberté et égalité aient été remplacé par un débat stérile tournant autour de la laïcité et de la religion, et que l’unique priorité lors du choix du vote se soit rapporté à ce sujet ?

Et bien disons que nous autres laïcs, y avons grandement contribué en mettant ce débat sur la table dans une société aussi attachée à ses valeurs arabo-musulmane et qui confondait laïcité et athéisme. Nous avons rarement pris la peine de leur expliquer la différence entre ces deux aspects et surtout, notre avidité pour combattre l’obscurantiste d’en face nous a fait révéler un aspect très dangereux de notre personnalité : l’extrémisme laïc.

C’est à mon sens à cause de cela que le changement s’est opéré. La grande erreur a été de lutter contre l’extrémisme religieux à travers un dénigrement qui n’a fait que renforcer l’enfermement de ces derniers. D’un côté on a reproché aux islamistes leur manque d’ouverture, tandis que de nôtre côté nous rabaissions les femmes en burqa et avions réduit le programme d’Ennahdha à la multiplicité des femmes et à l’obligation de porter le voile.

Au lieu de critiquer Ennahdha sur son programme électoral copié sur celui du RCD en 2009, au lieu de leur poser les vraies questions relatives aux libertés individuelles (position vis-à-vis des imams prônant des discours de haine, réactions face aux dérives d’ordre islamiste, etc.), nous avons préféré aborder des sujets non-mentionnés dans le programme de ce parti et dont les réponses étaient du coup toute trouvée. Pire nous avons choisi une voie que les moins modérés percevaient comme étant de la provocation, et ceci n’a fait que les pousser vers l’extrémisme.

Nous l’avons vu avec Persépolis, même quand un contenu véhicule un message rempli de sens, c’est la provocation que l’on verra avant tout. A coups de pages Facebook corrompues, toute tentative de ce genre est transformée en blasphème télévisé. Et comme si cela ne suffisait pas, nous avons enchainé en médiatisant  la manifestation « A3ta9ni » et le documentaire « Ni Allah, ni maitre », ce qui aux mains des « admins » Facebook, était du pain béni pour contrer le « laïque mécréant ».

Il faut se rendre à l’évidence, nous avons nous-mêmes renforcé la position d’Ennahdha : au lieu d’aller vers ses sympathisants, de leur parler et d’essayer de les convaincre, nous les avons dénigré et leur avons donc donné le bâton pour se faire battre. Ajoutons à cela les multiples rumeurs sans fondement qui ont été lancées, nous faisant perdre toute crédibilité et vous comprendrez que l’on a établi un clivage entre deux parties de la population, obligeant le tunisien à choisir un camp, et que ce dernier était rarement celui du modéré.

Mario Puzo a fait dire à Vito Corleone : «Garde toujours tes amis près de toi et tes ennemis, encore plus près ». Je remplacerais « ennemis » par « opposants », mais toujours est-il que nous les avons éloignés, et les avons laissé emmener avec eux une bonne partie de ceux qui étaient neutres.

Alors même si cela implique le fait de nous autocensurer sur certains aspects qu’ils trouvent offensant, il faudra passer par là durant les prochains mois. Le constat est amer, très amer même mais il me semble clair : nous étions à côté de la plaque, toutes nos initiatives n’ont fait qu’élargir le fossé qui sépare le « laïque » du religieux. L’extrême appelle l’extrême et pour chaque statuette nue sur l’avenue Habib Bourguiba, c’est une centaine de nouveaux électeurs d’Ennahdha que nous créerons, à chaque fois que nous les traiterons d’imbéciles, nous ne ferons que renforcer leur position. Devrais-je d’ailleurs vous rappeler que moult électeurs ont choisi ce parti « afin de ne plus voir de blasphèmes à la télé » ?

Pour autant, changer de discours et de méthodes ne signifie pas que l’on doit céder d’un iota en ce qui concerne nos libertés individuelles. Cela ne signifie pas non plus que l’on admette qu’ils aient raison. Je demande juste à ce que nous les comprenions, que les deux parties se rapprochent et qu’elles dialoguent. On ne nait pas extrémiste, on le devient, et nous avons encore les clés en main pour qu’on ne le devienne plus.

Putain vous me les brisez !

10 Oct

Oui ! Vous me les brisez, vous mes les cassez, vous me les gonflez et je peux vous dire qu’ils sont en compote maintenant !

Ne faites pas les innocents, vous savez très bien pourquoi je suis dans cet état. Depuis 9 mois que vous faites tout et n’importe quoi, à cause de vous c’est la syncope que je risque bandes de cons !

Alors ça a commencé par vos conneries de Kasba/Kobba là. Genre à la Kasba 2 c’est le peuple qui parle alors qu’en vrai, il ne sait même pas ce qu’est une assemblée constituante. Et voilà que les autres de la majorité silencieuse débarquent en Porsche Cayenne, pour dire que non, on les avait pas consulté et que la constituante c’est trop pas cool (les patrons d’entreprises en ont d’ailleurs profité pour insulter l’UGTT, parce que les syndicats, c’est trop des méchants). Déjà ce jour là, j’avais un peu compris que la soi-disant union nationale n’allait pas, mais vraiment pas durer.

Comme si le clivage riches/pauvres ne suffisait pas, on a eu le feuilleton qui anime encore nos soirées depuis février et qui a mis en action un nouveau type de méchants pas beaux qui en veulent à nos libertés : les salafistes. Mais bordel de merde, ils ne sont pas plus de mille à se balader dans le pays et en plus ils cassent des biens publics. C’est si dur que ça de les arrêter ? Ou alors, ça arrange les affaires de certains qu’ils soient en liberté ? Oh mon dieu ce serait donc ça !

Bon c’est vrai qu’ils sont soutenus par des cons qui deviennent hystériques à la vue d’un dessin animé primé à Cannes, mais peut-on en vouloir à cette jeunesse à laquelle on  a appris depuis le plus jeune âge à ne pas essayer de remettre quoi que ce soit en cause, et surtout pas le dogme religieux. Peut-on leur demander après plus de 50 ans de dictature qui a tout fait pour élever des générations d’analphabètes à devenir du jour au lendemain cultivés, responsables et à philosopher sur le sens de la vie ?

Alors d’un côté on a ces mecs qui veulent tout fermer sous prétexte que cela offense dieu (d’ailleurs, rappel important : dieu se débrouille beaucoup mieux sans vous, merci), et de l’autre on a des gens qui veulent enfermer n’importe quel barbu qui circule sous prétexte que c’est un terroriste. Non mais c’est qui le connard qui a dit un jour : « Ettounsi lel tounsi ra7ma » ?

Comme si ces histoires de religion n’avaient pas suffi, on a aussi eu droit à des prouesses de notre ministère de l’intérieur qui nous a montré durant ces mois son savoir-faire en matière d’ACABitude. Alors là, en Tunisie, on n’a pas de pétrole, on n’a pas d’idées, mais pour tabasser du peuple on est les number one. On a eu droit à des one-man show de toutes les matraques de Tunisie. Dès que des gamins foutaient la merde à l’avenue Habib Bourguiba, c’était les passants qui prenaient cher. Et tout ça devant le regard consentant du tunisien moyen qui n’attendait qu’une chose, le retour de la sécurité et qui se disait qu’un flic ne tabasse que ceux qui le méritent. Ouais ce tunisien moyen n’a jamais été au stade, c’est sûr. On aura au moins appris durant ces évènements que le nettoyage du ministère de l’intérieur prendra encore des dizaines d’années, et qu’on risquait de voir le dernier épisode des feux de l’amour bien avant de voir ce ministère rempli de flic tout propres.

On rajoute à ça un ministère de la justice tout ce qu’il y a de plus honnête, où pratiquement personne à part les trabelseya n’a été condamné, une « lajnet ta9assi el 7a9ae9 » qui en 9 mois n’a réussi qu’à nous trouver des barrettes de shit dans le palais présidentiel, et vous avez là un cocktail explosif qui me donne envie de me flageller juste parce que je vois cela et que je ferme ma gueule.

Ah oui, maintenant qu’on est en « démocratie », on ne peut qu’être subjugué par la tolérance des sympathisants des partis. Pour faire simple, c’est un peu un Santa Barbara géant : Ettakattol déteste le PDP, mais le PDP préfère détester Ennahdha qui elle en veut au Pole Démo. Ce dernier le lui rend bien, ce qui déplait au CPR qui entretient une relation extraconjugale avec Ennahdha. Entre temps, le PCOT déteste tout le monde et AFEK s’indigne à travers des communiqués et des clips qui feraient pâlir la 1ère Nolwenn venue. Bref un grand bordel qui atteint son apogée lorsqu’on voit que les affiches de tous les partis sont arrachées par les passants, et ce, à peine collées.

Mais tout ça ce n’est rien comparé à ces abominations sans noms que l’on appelle « pages révolutionnaires de Facebook ». Imaginez le contenu de Mein Kampf, mélangé au livre vert de Kaddafi et saupoudré d’un soupçon de la page culturelle du journal tunisien « Al Moussawer ». Mixez-moi tout ça et vous obtiendrez le contenu d’une page Facebook tunisienne comme il s’en fait des tas depuis janvier dernier. D’el 7a9ae9 al khafeya à Koora Tunisie, en passant par « Al cha3b moslem wa lan yastaslem », c’est tout un florilège de conneries que vous lirez dessus. On y apprend pêle-mêle que la moitié des tunisiens est franc-maçonne, que l’autre est sioniste et qu’une autre moitié est pro-américaine (vous l’aurez compris, ils sont aussi peu doués en mathématiques).  On y notera aussi que toutes les filles tunisiennes qui ont réussi sont des putes et que les mecs qui sont sous les feux des projecteurs sont gays (et qu’ils couchent avec le Général Ammar selon une certaine page). Le problème dans tout ça c’est que ces gros cons sont suivis par des centaines de milliers de personnes et que chacun de leur post peut entrainer des mini-émeutes dans le pays. Pour vous faire visualiser le truc, c’est comme si on filait un lance-flamme à Marilyn Manson et qu’on le lâchait dans un concert de Hip-Hop. Oui vous m’aurez compris, c’est la merde.

Alors oui, j’aimerais bien me calmer, mais y a Kamel Morjane et Mohamed Jegham qui font des meetings comme si de rien n’était et ça me remet encore plus en rogne qu’avant.

Bref à cause de toutes ces conneries, je me suis retrouvé à défendre successivement : Nessma, Sami El Fehri, les barbus, Hamma Hammami, le PDP, un documentaire que je n’ai pas vu (Ni Allah Ni Maître), Moncef Marzouki et Leena Ben Mhenni alors que franchement, je n’en avais rien à branler à la base. Tout ça parce que pour nous les tunisiens, que l’on soit gauchiste, islamiste, laïque, athée, de droite, capitaliste, communiste, blogueur, ministre, pauvre, étudiant ou chômeur, on est tous le connard de quelqu’un d’autre et qu’à un moment, ça me les brise !

Alors vous allez me faire plaisir, vous allez écouter les conseils de Jésus (ou d’un hippie connu,  je ne sais plus trop) qui un jour a dit : « Vous allez vous aimer les uns les autres bordel de merde ! ». Parce que franchement, j’en connais un dans son palais en Arabie Saoudite qui doit bien se marrer en vous voyant.


A un moment, il va falloir les avoir les cojones !

7 Juin

Aujourd’hui, je suis énervé ! Mais vraiment très énervé ! Du genre à coincer la tête d’Al Zawahiri dans une portière de voiture et lui foutre des low-kick rotatif en plein dans la gueule.

Si je suis dans cet état, c’est à cause de cet article de Leaders, qui soit dit en passant est un site que je méprise totalement, mais qui nous pond sur ce coup cette information très irritante : malgré l’existence d’une loi claire sur le sujet, des étudiantes ont passé des examens en Niqab.

Ce qui me met le plus en boule dans cette histoire, en dehors de l’aspect ridicule de cette situation (identité non contrôlable, triche facilitée sous le niqab…),  c’est que ce genre d’évènement s’est déjà reproduit à plusieurs reprises par le passé.

En effet, il y a de cela quelque semaine, on m’a rapporté qu’un mec a pété une durite dans un bus parce qu’ils passaient du Elissa ou je ne sais quelle chanteuse libanaise à la radio. En bon djihadiste du pauvre, il s’est levé et a obligé le conducteur à changer de station. Personne dans l’assistance n’a daigné s’opposer à ce mec et tout le monde a gentiment écouté Zitouna FM (je précise que je n’ai rien contre cette station).

Une connaissance à moi a, quant à elle,  dû subir les remarques désobligeantes d’un collègue qui l’a gratifié d’un « Istagforallah » à haute voix sous prétexte que cette dernière était maquillée (dans l’état afghano-tunisien, être une femme Barbara Gould est passible d’une peine de mort). Le pire dans cette histoire, c’est que cette dernière, au lieu de porter plainte auprès de sa DRH a préféré se taire et flippe désormais à chaque fois qu’elle descend prendre sa voiture au sous-sol.

Je ne peux pas ignorer non plus le cas des chefs d’entreprise qui laissent leurs employés bosser en « 3ara9eya » le plus normalement du monde (si on part de ce principe, j’ai tout à fait le droit de venir bosser en chapeau de cow-boy ou en bonnet elfique, non ?).

Dans tous ces cas de figure, ce qui me choque, c’est la résignation des gens vis-à-vis de ces comportements moyenâgeux. Car il faut se rendre à l’évidence : en Tunisie, on n’ose pas s’opposer à ces pratiques de peur d’être considéré comme un mécréant. Critiquer l’intégrisme fait de nous un athée, être athée fait de nous un criminel, CQFD.

Notre culture nous avait imposé 3 tabous, la politique, les arbitres de Foot et la religion. Grâce au 14 janvier et à « Soui3a Sport », deux de ces tabous ont disparu, il s’agit maintenant de faire tomber le 3ème.

J’appelle donc toute personne responsable à se sortir les doigts et à défendre ses droits (ça rime en plus). Posons nos limites à ceux qui croient pouvoir nous en poser,  mettons-nous en tête que la critique du barbu n’a jamais été une critique de l’islam et bougeons ce qui nous sert de derrière avant qu’il ne soit trop tard.

Prions, critiquons, buvons, discutons mais surtout respectons. Et pour qu’on en arrive là, il va falloir les avoir nos p*tain de cojones (ou vos ovaires, c’est au choix).